Apologie du LOGOS

Note de lecture par LE MOIGNE Jean-Louis

Dans le compte rendu qu'il a lui­même rédigé d'un livre antérieur ("Esquisse d'une sémio­physique. InterEdition, 1988 ; bulletin n° 15 de la S.F. de Biologie théorique, mars 1990), René Thom assure que son livre "est d'une extrême difficulté : un livre sans concession. Mais, ajoute­t­il, le peu que vous pourrez comprendre, croyez­moi, vous ne le regretterez pas". Je ne sais s'il se livrera au même exercice pour présenter ce "recueil des principaux articles qu'il a écrits dans les annses 80", mais je doute qu'il le tienne pour "difficile". Cet exercice de "philosophie naturelle" postule une foi inébranlable dans le statut ontologique de l'Univers connaissable, et pour l'essentiel, il polémique avec toute autre conception du monde et de la science, et donc toute autre épistémologie que le prépositivisme newtonien qu'il sacralise implicitement. Mais l'entreprise est conduite avec un tel brio et une telle assurance que sa lecture enchante : les lecteurs pensifs savent mieux en l'achevant pourquoi et comment il est possible de pratiquer une "obstinée rigueur" sans se condamner aux quelques postulats fort contraignants d'un réalisme ontologique. L'un d'eux, ainsi stimulé écrira peut­étre quelque jour "l'apologie de la Métis" qu'appelle dialectiquement cette "apologie du Logos". La pensée scientifique ne s'exercera­t­elle pas alors en liberté, dans une interminable oscillation entre des axiomatiques ago­antagonistes ?