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Séances
Pleinières




La décision en situation complexe

Dialectique du

savoir et du faire

J. L. LE MOIGNE

(GRASCE - CNRS, Président de l'A.E.M.C.X.)

" La décision est modélisation dynamique "

G.-Y. KERVERN

(Directeur Général de Sophia-Antipolis)

" L'épistémologie destructiviste "

J. LESOURNE

(Professeur au CNAM - Ancien Directeur du journal " Le Monde ")

" La décision en environnement complexe "

J. ROBINSON-VALERY

(Directeur de Recherche CNRS)

" Visages de la complexité "


La décision en situation complexe

La décision est modélisation dynamique

J.L. LE MOIGNE GRASCE - CNRS,

Président de l'A.E.M.C.X.

Séances

Pleinières


Quels savoirs produisent les sociétés humaines pour aider les citoyens à élaborer ces décisions qui, intentionnellement, affectent ou affecteront les innombrables rapports qu'ils développent mutuellement comme avec leur planète, cette "Terre-Patrie" qui nous solidarise ? En prétextant qu'elles ne voulaient pas mêler science et politique, les communautés scientifiques s'enferment depuis trois siècles dans un corporatisme émietté en sous-disciplines, ignorant presque délibérément les enchevêtrements quasi inextricables qui caractérisent les activités humaines aux multiples facettes : la science devrait séparer, isoler et trancher par le calcul là où la société voudrait relier, contextualiser et délibérer par la réflexion. Diagnostic trop brutal, bien sûr : ni la science, ni la société ne sont des monolithes qui "se présentent si clairement et si distinctement à notre esprit que nous n'ayons aucune occasion de les mettre en doute" !.

Mais, diagnostic prégnant dans nos cultures, que ne récusaient ni les corporations scientifiques, ni les organisations socio-économiques ou politiques : les académies se plaignent de ce que les politiques ne leur demandent pas conseil pour décider ; et les politiques se plaignent de l'incapacité des scientifiques à leur proposer des savoirs adaptés aux complexités des décisions qu'il leur faut prendre".

N'est-ce pas dans ces tensions culturelles que se forme peu à peu aujourd'hui le renouvellement ou le ressourcement des paradigmes épistémiques par lesquels chacun comprend, dans l'action et la réflexion, ces rapports de la science et de la société, du savoir et du faire ? Les décisions que nous prenons ne sont pas seulement affaire de calculs plus ou moins cautionnés par une logique dite scientifique ; elles sont aussi et d'abord affaire de représentations riches... ou systémiques : modélisation du contexte, modélisation des projets, modélisation de la récursion permanente des projets et des contextes. Exercice que récusait une conception de la science analytique et réductionniste en quête de "longues chaînes de raisons toutes simples", une rationalité linéaire.

La Décision en situation complexe est un processus qui assume, intelligiblement et pragmatiquement sa propre complexité : Représenter (ou modéliser) et Raisonner, dans une interaction récursive et projective permanente. Entreprise qui appelle en effet de nouveaux regards sur la dialectique du savoir et du faire, de la science et de la société. Nouveaux regards... que nous proposait déjà Blaise Pascal par une "pensée" que nous pouvons peut-être mettre en exergue aux réflexions et aux délibérations que nous allons relier dans le contexte de cette Rencontre :

"Toutes choses étant

causées et causantes

aidées et aidantes

médiates et immédiates

et

toutes s'entretenant par un lien insensible

qui lie

les plus éloignées et les plus différentes... 

("Pensées", 199-72-9)


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997

La décision en situation complexe
Séances
L'épistémologie destructiviste

G.-Y. Kervern

Directeur Général de Sophia Antipolis

Pleinières


Ceux qui ne respectent pas dans leur démarche de décideur ou de pilote, les AXIOMES de l'EPISTEMOLOGIE CONSTRUCTIVISTE, nés des travaux d'H.A. SIMON, Edgar MORIN, J.L. LE MOIGNELE MOIGNE, connaissent-ils la sanction des faits ?

Le présent travail tente d'apporter une réponse à cette question.

Les catastrophes sont, en effet, le résultat d'une ensemble d'idées profondément nocives, génératrices de danger.

Cette note expose la collection la plus fréquente et la plus remarquable de ces idées. Elle les énonce sous forme d'axiomes.

Ce sont donc les axiomes d'une épistémologie contraire à l'épistémologie constructiviste, d'où l'appellation proposée d'épistémologie destructiviste.

L'énoncé de chacun de ces axiomes est accompagné de deux commentaires :

- le premier en explique le contenu

- le deuxième montre en quoi il est le contraire de l'épistémologie constructiviste.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


La décision en situation complexe
La décision en environnement complexe

J. Lesourne (Professeur au CNAM)

Séances

Pleinières


En environnement complexe, faut-il mettre l'accent sur la décision, rupture instantanée entre un avant et un après ou sur l'action, succession d'opérations aboutissant à une décision finale : on réalisera le Concorde, on construira la centrale nucléaire de Flamanville. Il me semble que trop d'attention a été apportée à la décision et pas assez à l'action.

Si l'on change l'orientation du projecteur, plusieurs phénomènes apparaissent.

(1) L'action demande du temps. Faire voter une Loi et adopter ses décrets d'application exige des mois, parfois des années. De longues semaines séparent dans une entreprise la conception d'une nouvelle structure et sa mise en place effective.

(2) La durée de l'action introduit dans le processus de nouvelles dimensions psychologiques : la ténacité, la persévérance, la constance du jugement porté sur l'événement. L'on ne demande pas les mêmes qualités aux coureurs de fond et de cent mètres.

(3) L'action se décompose souvent en phases, chaque phase se caractérisant par des règles spécifiques, explicites ou non. Par exemple, la phase de recherche d'un accord entre les gouvernements britannique et français sur le Concorde précèdera celle d'élaboration d'un protocole entre les industriels concernés. La phase d'étude d'une structure nouvelle devancera celle d'obtention d'un accord des participants concernés par la réforme.

(4) D'une phase à l'autre, certains des acteurs (firme, syndicat, ministère...) changeront et des agents différents s'exprimeront au nom de ces acteurs. Un PDG pourra ainsi passer le relais à un Directeur juridique, le Ministère de l'Industrie au Ministère des Finances...

(5) Les actions en environnement complexe se déroulent presque toujours dans un contexte de coopération et de conflits. L'acteur auquel on s'intéresse doit donc chercher des alliés et s'engager avec eux sur des compromis pour faire aboutir ses projets.

(6) L'intervention du temps entraîne l'apparition d'irréversibilités. Une bataille locale perdue peut compromettre une manoeuvre stratégique plus vaste. La perte d'un procès par des opposants permet la poursuite des travaux sur un grand chantier de travaux publics.

(7) Naturellement, ce qui vient d'être dit s'ajoute à ce que nous savons des décisions en environnement complexe : incomplétude et imperfection de l'information, dilemme entre décision immédiate et décision retardée pour rechercher de l'information, exploration au voisinage du présent ou saut dans l'inconnu, modalités de formation des anticipations, profondeur de la mémoire, rôle de la psychologie sous-jacente de l'agent.


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997
La décision en situation complexe
Séances
Visages de la complexité

J. Robinson-Valéry

Directeur de Recherche CNRS

Pleinières


1. Importance de la notion, et du sentiment, de complexité dans le monde moderne.

2. Nécessité de ne pas confondre le "complexe" (idée positive) avec le "compliqué" (idée négative).

3. Théorie de la "complexification" de la matière.
Précurseurs de la notion de complexité :
Samuel Alexander (Space, Time and Deity, Macmilan, Londres, 1920).
Teilhard de Chardin (Le phénomène humain, Editions du Seuil, 1955).

Cybernétique du cerveau
Ross Ashby (Design for a Brain, Chapman and Hall, Londres, 1952)
W. Grey Walter (Le cerveau vivant, (trad. par le Dr. Moraz), Delachaux et Niestlé, 1954).

4. Importance des notions de système, de système complexe et de propriétés "émergentes" (les précurseurs cités, François Jacob, Valéry) : conception du cerveau humain comme le système de loin le plus complexe connu jusqu'ici.

5. Le spécialiste de la systémique doit rester au courant des recherches sur le fonctionnement du cerveau humain.

6. Il a intérêt à bien connaître les recherches de pointe de Valéry. Voir à ce sujet :
Mon édition d'un choix de textes de ses Cahiers, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", Tomes I, 1973 et II, 1974.
Fonctions de l'esprit : Treize savants redécouvrent Paul Valéry, Herman, Coll. "Savoir", Paris, 1983, édité par moi-même.
Quelle médecine demain ? : Sous le regard de Valéry (éd. par moi-même en collaboration avec le professeur F.-B. Michel), Privat, Toulouse, début 1998 (chapitre remarquable du professeur François Lhermitte sur l'état actuel des recherches sur le cerveau).


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Rencontres MCX 6 - Poitiers, Futuroscope, 9 et 10 Juin 1997


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